Lu et entendu pour vous au sujet de la rentrée pastorale diocésaine 2025-2026

Dans une Eglise Cathédrale archi comble à -Abidjan en Côte d’Ivoire, le Père Hippolyte AGNIGORI, Curé de la Paroisse St Jean- Paul II de ANGRE a donné une conférence sur le thème :
« Difficultés de collaboration et de communication entre les différentes composantes de l’Église « .

Pour ce thème qu’il nous échoit ici de développer, nous nous réfèrerons aux éminentes réflexions des Pères de l’Eglise, aux documents du Concile Vatican II et au document Final du Synode sur la Synodalité. Ces documents nous aideront, à travers un discernement synodal et dans le cadre des possibilités de notre diocèse, à la mise en place créative de nouvelles formes de ministérialité et d’action missionnaire, en expérimentant et en évaluant les expériences.

Et le thème que nous présentons, ‘’difficultés de collaboration et de communication entre différentes composantes de l’Eglise s’entend et se reçoit ici comme aubaine ecclésiale et atout diocésain pour mieux vivre les trois concepts clés du synode « participation, communion, mission » comme l’horizon dans lequel la collaboration et la communication doivent se faire.
La synodalité implique humblement, quels que soient nos titres, quelles que soient nos fonctions, un travail en commun, la venue en assemblée, à travers la participation différenciée de tous. C’est l’absence de cette humilité qui crée bien souvent les difficultés dans notre marche commune. Pour mieux les faire ressortir à travers une analyse qui débouchera sur des possibilités de solutions, l’exposé de ce matin gravitera autour de quatre points simples (non exhaustifs) :
1- Difficultés de collaboration et de communication entre membres du clergé
2- Difficultés de collaboration et de communication entre clercs et laïcs
3- Difficultés de collaboration entre les laïcs
4- Vers une culture de la communion : pistes pour une église plus synodale

I- DIFFICULTES DE COLLABORATION ET DE COMMUNICATION ENTRE MEMBRES DU CLERGE

On pourrait aborder le premier niveau de la réflexion à partir du conflit d’Antioche évoqué en Galates 2, 11. C’est un différend entre les apôtres Pierre et Paul qui a eu lieu dans la ville d’Antioche vers le milieu du Ier siècle. Paul dit : « Lorsque Céphas vint à Antioche, je m’opposais à lui face à face, car il s’était mal comporté ». Au-delà de toute polémique, Paul reconnait à Pierre une autorité, au-dessus de tous les autres. Il l’appelle « Céphas », par ce nom que Jésus lui a donné en tant que chef des Douze. Avec les Apôtres, la crédibilité et l’authenticité du message de salut se jouent dans le témoignage de l’enseignement reçu de Jésus.
1- Entre Prêtres et évêques
A travers cet incident, osons sans ambages nous appesantir sur quelques sources de difficultés qui peuvent survenir entre évêque et prêtres :
· La première difficulté en ce qui concerne la collaboration et la communication peut être la ‘’non-acceptation’’ de l’Autorité de l’évêque par les prêtres dans son diocèse. Ce blocage, depuis l’époque des Pères apostoliques (les pères de l’Eglise du IIe siècle), a suscité plusieurs polémiques dans certains diocèses. Ce fait crée nécessairement une remise en cause de l’autorité du Christ. A cet effet, Saint Ignace d’Antioche insistait sur l’obéissance à l’évêque, car l’évêque incarne l’autorité du Christ et l’unité de l’Église est assurée par cette subordination à l’évêque. Pour lui, l’obéissance à l’évêque est un acte de foi et un signe d’unité de l’Église, représentant l’obéissance à Dieu et à l’imitation du Christ, qui prévient les divisions au sein de la communauté chrétienne. Le rejet d’un évêque par les prêtres crée nécessairement un blocage qui rendra difficile la collaboration et partant l’exercice de sa charge. A ce niveau, l’amour du Christ-Prêtre, auteur de la vocation de chaque prêtre doit se manifester par le bon accueil et l’acceptation de l’évêque qui incarne l’autorité du Christ. A cet effet, dans sa lettre aux Magnésiens (III, 2), Saint Ignace déclare que : « par respect pour Celui qui nous a aimés (Christ), il convient d’obéir (à l’évêque) sans aucune hypocrisie. » Les prêtres réfractaires qui l’oublient mettent en péril leur sacerdoce ministériel, porté par l’obéissance à manifester leur « oui » au Christ dans l’acceptation de l’évêque. Les prêtres doivent donc être en communion avec leur évêque, recevoir de lui leur mission et lui en rendre compte avec politesse. Cette soumission est une norme ecclésiale importante depuis le deuxième siècle. Et le document conciliaire Presbyterorum ordinis 7 d’ajouter que « les prêtres doivent donc respecter en leur évêque l’autorité du Christ Pasteur suprême. Qu’ils aient pour lui un attachement sincère, dans la charité et l’obéissance ». Le jour de leur ordination, les prêtres répondent librement à cette question de l’évêque : promettez-vous de vivre en communion avec moi et mes successeurs, dans le respect et l’obéissance ? . Cette obéissance, ils doivent l’assumer continûment.
· La deuxième difficulté tout aussi importante que la première qu’on peut entrevoir encore entre évêque et prêtres peut être lié à des conceptions mondaines de l’autorité par certains évêques. Nous le savons tous, l’évêque est Pasteur, Docteur de la foi, chargé de l’enseigner et de la transmettre avec fidélité. C’est la raison pour laquelle l’antiquité requiert que « l’évêque soit un homme sage, prudent et surtout instruit. Sa première responsabilité est de diffuser l’Évangile et la morale chrétienne, et de les défendre ». Il exerce ses fonctions spirituelles au sein d’une circonscription appelée diocèse. Il n’est donc pas seul dans son diocèse, il y est ‘’cum aliis’’ (avec les autres) et ‘’inter alios’’ (parmi les autres au sens large). Si les prêtres sont appelés (dans la première difficulté énoncée plus haut) à accepter leur évêque en pensant à l’autorité du Christ, l’évêque aussi doit se rappeler qu’il n’est que le détenteur d’une autorité qui n’émane pas de sa personne mais du Seigneur. Quelques Pères de l’Eglise évêques (St Clément, St Basile, Saint Augustin et Saint Jean – Chrysostome) ont rappelé que l’évêque doit travailler dans son diocèse en toute humilitas (humilité) : « il doit agir avec l’humilité qui naît de la conscience de sa propre faiblesse » et qui – comme l’affirme saint Grégoire le Grand – « est la première vertu ». Il doit aussi agir avec une bienveillante douceur vis-à-vis des prêtres (ses plus proches collaborateurs ; il doit être attentifs à leurs besoins selon le canon 384 du code de droit canonique) avec respect des anciens (memoria traditionis). Comme le stipule le Directoire pour le ministère pastoral des évêques “apostolorum successores” numero 42, pour favoriser aussi une bonne collaboration dans son diocèse et une communication des plus aisées, l’évêque doit être pétri de qualités humaines suivantes : « une riche humanité, un esprit bon et loyal, un caractère constant et sincère, un esprit ouvert et voyant loin, sensible aux joies et aux souffrances d’autrui, une large capacité de maîtrise de soi, de gentillesse, de patience et de réserve, une saine propension au dialogue et à l’écoute, une disposition habituelle au service ». Un tel évêque est une bénédiction pour son diocèse.

2- Difficultés de collaboration entre prêtres

Par la grâce de l’ordination sacerdotale les prêtres ont été configurés au Christ-Jésus serviteur et Bon pasteur. Cette grâce reçue, ils ont à l’accueillir quotidiennement de manière nouvelle. Dans cet accueil permanent, ils auront à lutter continûment contre les difficultés qui pourraient, sous forme d’épreuves, ‘’plomber’’ leur collaboration et partant leur communication avec leurs confrères (PO 8). Au nombre des difficultés de collaboration entre prêtres, nous pouvons citer entre autres (puisqu’elles sont nombreuses) :
· Surestimation de soi ou de sa charge (complexe de supériorité de certains confrères qui crée des barrières et inscrit l’autre dans une infériorité permanente)
· Manque d’écoute et de respect surtout des plus jeunes confrères
· Manque aussi de respect de certains jeunes confrères à l’égard des ainés
· Manque de considération des propositions venant d’un autre
· Collaboration théorique, vécue de manière juxtaposée
· Dénigrement de leurs confrères auprès des laïcs
· Jalousie permanente entre confrères, sources de plusieurs difficultés : recherche d’honneurs, de première place qui génère une culture de la délation auprès des autorités.
· Difficultés liées aux clivages ethniques et tribalistes. Mon ouverture et ma franchise ne se font qu’avec les confrères du même groupe ethnique que moi. Non ,même la culture du prêtre dit ‘’étranger’’ ne doit pas constituer une barrière pour une collaboration saine .

II- DIFFICULTES DE COLLABORATION ENTRE CLERCS ET LAÏCS

Dans l’Exhortation apostolique Christifideles laici, Saint Jean-Paul II énumère parmi les nombreux fruits du Concile Vatican II un “nouveau style” de collaboration entre prêtres, religieux et fidèles laïcs. Ce style caractérisé par la commune dignité chrétienne reçue avec le sacrement du baptême, encourage les uns et les autres à la sainteté et en fait des coresponsables dans le devoir d’édification de l’Eglise. Cette coresponsabilité avait déjà pris forme avec le concile d’Adge et dans les sermons du Père de l’Eglise Césaire d’Arles au VIe siècle. Pourtant, force est de reconnaître que cette communion n’est pas toujours évidente dans la vie quotidienne de nos paroisses, de nos mouvements et de nos institutions ecclésiales. En voici quelques sources :
· Un déficit d’écoute mutuelle due tantôt au cléricalisme ou à l’autoritarisme de certains clercs et à l’esprit syndicaliste de quelques conseillers qui voient l’église comme une société ordinaire.
· Des mentalités encore marquées par le cléricalisme dans lequel certains membres du clergé considèrent les laïcs ou les religieux et religieuses comme de simples exécutants et non comme des partenaires de mission.
· Tendance de certains laïcs, religieux ou religieuses à vouloir prendre la place des prêtres ou même à négliger le ministère des prêtres.
· Peur de la part des laïcs de faire la correction fraternelle aux prêtres.
· Critique permanente des prêtres par des laïcs et jamais de paroles d’encouragement, de remerciement.
· Manque de reconnaissance du rôle des laïcs (par certains prêtres),
· Des préjugés et complexes d’infériorité ou de supériorité peuvent nuire à une communication ouverte et à un dialogue constructif entre laïcs et clergé.
· et des préjugés (de part et d’autre) qui affectent le dialogue et l’engagement mutuel.
· Des canaux de communication fragiles dans lesquels les conseils pastoraux et pour les affaires économiques existent, mais ne fonctionnent pas toujours de manière effective.
· Le poids de la culture et des habitudes : nos contextes africains, marqués par une forte hiérarchie sociale, influencent nos manières d’être en Église. Parfois, le respect de l’autorité se transforme en silence forcé, ce qui bloque le dialogue sincère.
· Dénonciation des prêtres auprès de l’évêque (Par certains fidèles).
· Critique publique ou dans les mass-médias de l’autorité.
Le concile Vatican II enseigne que la caractéristique du laïcat est la « sécularité » : en tant que chrétiens qui « vivent la vie du Christ dans le monde », leur rôle est de sanctifier la création « selon la volonté de Dieu ». C’est en ce sens que le décret Apostolicam Actuositatem sur l’apostolat des laïcs (1965) cite l’Épître aux Colossiens (3:17) :« Et quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père. » Les laïcs, membres de l’Église à part entière, agissent dans leur liberté personnelle et non pas en simples subordonnés. A partir de cet angle de vision qu’est le rôle des laïcs, il faut d’abord se demander ce qu’a voulu faire au juste Vatican II. Non pas d’abord promouvoir les laïcs, mais réexprimer l’identité de l’Eglise comme totalité des croyants en Christ. C’est là, incontestablement, l’une des clefs de lecture majeures de l’œuvre conciliaire.

III- DIFFICULTES DE COLLABORATION ENTRE LES LAICS EUX-MEMES

Comprendre et vivre la synodalité sont un appel lancé à tous les baptisés. Il les implique dans le champ ecclésial à vivre la fraternité évangélique comme une lampe allumée en permanence. Cet appel invite chaque baptisé à contempler la Trinité qui valorise l’unité et la variété comme richesse ecclésiale. A ce niveau, sans fuir la réalité, nous observons des difficultés dues :
· Aux conflits, aux tensions et aux rivalités entre les groupes, mouvements et associations
· Aux Tentatives de ‘’divinisation’’ et de ‘’déification’’ de certains responsables de communauté (leur parole comme parole d’évangile, comme émanation de la divinité sur terre…)
· A la Surestimation de son groupe (meilleure spiritualité)
· Manque d’ouverture aux autres groupes
· Au fait que le groupe soit lié à une seule personne
· A la mauvaise compréhension de la Diversité spirituelle
· Aux divisions selon les affinités tribales, ethniques, nationalistes.
· Usage de propos inappropriés dans la communication (protestantisme)
· Au Manque de respect pour les femmes dans certains groupes.

IV- VERS UNE CULTURE DE LA COMMUNION : PISTES POUR UNE ÉGLISE PLUS SYNODALE

Dans l’Église, il faut rejeter le cléricalisme qui perpétue une structure qui est en contradiction avec l’ecclésiologie du Concile Vatican II, qui appelle à une Église de la fraternité. Cette église met en valeur l’importance de la coresponsabilité différenciée : le Concile Vatican II invite les laïcs à prendre toute leur place en tant que baptisés, ce qui implique une coresponsabilité dans la mission de l’Église qui nécessite un dialogue ouvert entre tous les baptisés. Pour surmonter les conflits, il est essentiel de redécouvrir le sens du baptême afin de permettre à chacun de s’exprimer librement, d’identifier les griefs et les ambiguïtés, et de rectifier les erreurs d’interprétation. Cela engendrera pour une église plus synodale :

  • Des parcours d’intégration et des formations adéquates pour les prêtres, les religieux et laïcs, qu’ils soient locaux ou venant d’autres régions.
  • Une commune adoption d’une vision de fraternité : l’objectif est de tendre vers une Église de fraternité et d’unité dans la diversité, où chaque baptisé participe activement à l’évangélisation, plutôt qu’une structure où la différence entre prêtres et laïcs devient un obstacle.
  • Une remise en question individuelle et collective : apprendre à identifier ses propres imperfections et axes d’amélioration et chercher des retours (feedback) pour ajuster ses perceptions de soi.
  • Une croissance de l’empathie : S’intéresser aux autres et comprendre leur point de vue peut aider à modérer sa propre évaluation.
  • Une culture de la communion dans l’Église du Christ : Former un seul corps, le Corps du Christ, c’est la mission et le rôle fondamental de tous, prêtres et laïcs.
  • Un amour prononcé de la vertu de l’humilité à l’instar du Christ au lavement des pieds (autorité de service loin de l’autoritarisme qui disperse et égare)
  • Une création de ponts plutôt que des murs
  • Un dépassement des clivages ethniques et tribaliste pour accueillir l’autre ou l’étranger comme une grâce synodale
  • Une écoute permanente de l’Esprit Saint : Esprit de vérité.
    L’Eglise (plus) synodale que nous appelons de tous nos vœux doit favoriser une collaboration qui engage les clercs comme les laïcs à une vie spirituelle solidement enracinée. Elle nécessite des temps et des lieux de ressourcement. Elle conduit à la nécessité d’échanges réguliers, soit d’une façon informelle soit dans le cadre de l’institution ecclésiale. Elle nécessite des temps de partage, de communica­tion, pour que chacun mette ses capaci­tés et ses compétences au service des orientations pastorales de la communauté. CONCLUSION

L’Église est la propriété du Christ et non des hommes : évêques, prêtres, religieux religieuse, laïcs. L’Église du Christ n’appartient à personne, ni à Pierre, ni même à Paul, encore moins à nous.
L’Ecclésiologie de Vatican II met l’accent sur l’Eglise comme peuple de Dieu, communion de personnes différentes et complémentaires. Cette ecclésiologie a en son sein l’unité entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel, tous deux participant à l’unique sacerdoce du Christ. La collaboration dans la complémentarité est donc un impératif pastoral qui doit tous nous pousser à l’humilité ‘Souvenons-nous des Parole de Ben Sira le Sage : Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.’’ (Si 3,17-18)
Nous avons tous un ‘’petit orgueil’’ à évacuer pour sentir le souffle de l’Esprit nous bercer et nous conduire sur le vrai chemin de la synodalité dans nos paroisses, nos maisons religieuses et dans notre diocèse. « Appuyons-nous sur la Vierge Marie, dame dont le ‘’oui personnel’’ est devenu un ‘’oui communautaire’’ : du « je », elle est passée à « nous ». En elle, la Trinité a travaillé. Elle est aimée de Dieu, visitée par Dieu et porteuse de Dieu. Quel orgueil aurait-elle pu en tirer de tout cet abattement divin sur sa petite personne ? Mais loin de tout ce qui est mondain, elle se retrouve en toute humilité ouverte à la volonté de Dieu en acceptant d’être ancilla Domini (servante du Seigneur) durant toute sa vie ». Sa spécificité ne l’a pas éloigné des apôtres qui ont détalé devant la rudesse romaine lors de l’arrestation de Jésus. Son sourire synodal, au contraire lui a permis de savoir qu’elle n’est pas la plus importante des croyants mais la servante du Seigneur : en s’asseyant avec les apôtres pour être à l’écoute de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, elle a compris qu’aucun charisme ne se vit sans ouverture aux autres, sans respect des autres, sans pardon et sans humilité.
Que la Sainte Mère du ciel nous aide continuellement à surmonter nos difficultés de collaboration et de communication en toute humilité et docilité aux murmures du Saint Esprit.

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