Gabon 2025 : les discours et réalités contradictoires de la campagne électorale

Par Guy Roger BOUNDE – BOU – NZAMB

Introduction

Les élections présidentielles de 2025 au Gabon s’annoncent comme un moment crucial dans l’histoire politique du pays. Après près de six décennies sous le règne de la famille Bongo, la campagne électorale en vue de ce scrutin promet de réveiller les espoirs de changement et de renouveau pour de nombreux Gabonais. Cependant, un élément central semble percer à travers les discours des candidats et des partis politiques : une contradiction frappante entre les promesses faites durant la campagne et la réalité politique et sociale du pays. Ce phénomène met en lumière une hypocrisie qui, au lieu de répondre aux attentes du peuple, semble favoriser la reproduction d’un système politique fondé sur des intérêts personnels et des manipulations de masse.

Dans ce travail, nous analyserons les discours et les réalités contradictoires de la campagne électorale gabonaise de 2025. Nous examinerons comment les promesses des candidats, la manière dont ils se présentent et leurs pratiques dans le passé révèlent un fossé entre les aspirations du peuple et les pratiques politiques réelles. Nous soulignerons également la place des médias, des alliances politiques et de la société civile dans ce débat.

I. Les promesses de campagne : des discours séduisants mais déconnectés de la réalité

Les discours des candidats pendant la campagne électorale sont souvent un mélange de promesses de changement, de développement et de renouveau. À travers des slogans accrocheurs, les candidats cherchent à convaincre le peuple gabonais qu’un nouveau départ est possible, qu’une ère de réformes politiques et économiques est à portée de main. Cependant, derrière ces discours se cache souvent une réalité bien différente.

L’un des exemples les plus frappants de cette contradiction réside dans les promesses de lutte contre la corruption. Si l’un des points forts de la campagne 2025 est la promesse de « purger » le gouvernement et la société gabonaise de la corruption, la réalité passée montre que la corruption a été un élément structurel du système politique gabonais, non seulement pendant les années Bongo, mais aussi au sein de nombreux partis d’opposition qui se sont succédé au fil des ans. Des leaders politiques qui, hier, dénonçaient la corruption, ont parfois été impliqués dans des scandales financiers ou ont fermé les yeux sur des malversations pour des raisons politiques.

En parallèle, les promesses d’amélioration des conditions de vie, de développement économique et d’industrialisation du pays semblent également déconnectées de la réalité socio-économique. Le Gabon, bien que riche en ressources naturelles, notamment en pétrole et en bois, reste un pays où la pauvreté, le chômage et les inégalités persistent. Nombreux sont les Gabonais qui se sentent oubliés par les politiques publiques passées, qui ont souvent privilégié l’enrichissement de certaines élites au détriment des masses populaires. Ainsi, les promesses d’une nouvelle ère de prospérité apparaissent comme des déclarations vides, destinées à séduire plutôt qu’à changer concrètement la situation.
II. Le jeu des alliances et des soutiens : une quête du pouvoir au détriment du changement

Un autre aspect des discours contradictoires de la campagne électorale gabonaise réside dans les alliances et les soutiens stratégiques qui sont formés au gré des besoins du pouvoir. La politique gabonaise a toujours été marquée par une flexibilité des positions idéologiques, où les opposants d’hier deviennent les alliés d’aujourd’hui. La quête du pouvoir semble primer sur toute considération idéologique ou morale.

Les alliances formées en pleine campagne révèlent une volonté de rassembler des forces disparates pour s’assurer un accès au pouvoir, mais elles trahissent également une déconnexion totale avec les discours de « rupture » ou de « changement » que certains candidats tentent de promouvoir. Par exemple, certains candidats d’opposition ayant longtemps critiqué la famille Bongo et son système politique se retrouvent à se lier à d’anciens collaborateurs ou membres de ce même système, au nom de la « nécessité de l’unité nationale » ou de « l’intérêt supérieur du pays ». Cette attitude suggère que, au fond, la politique gabonaise fonctionne davantage selon des principes d’opportunisme que sur la base d’un engagement pour un réel changement démocratique.

III. Les médias : un acteur clé dans la construction des perceptions

Les médias jouent également un rôle central dans la construction des discours électoraux au Gabon. Dans un contexte où l’accès à une information indépendante reste limité, les médias traditionnels et les plateformes numériques sont des instruments puissants pour manipuler l’opinion publique. Le contrôle des médias par certains groupes de pouvoir, qu’ils soient dans l’opposition ou au gouvernement, contribue à entretenir une image de candidats « idéaux », tout en cachant les contradictions et les failles de leur programme.

Les médias sont parfois utilisés pour diffuser des images de candidats en pleine « rencontre avec le peuple » ou lors d’événements visant à renforcer leur popularité. Cependant, ces représentations restent souvent superficielles, ne dévoilant pas les véritables enjeux ni les intentions profondes de ces leaders politiques. Les journalistes, dans certains cas, se trouvent piégés entre la nécessité de plaire aux pouvoirs en place et leur devoir de rendre compte de la vérité.

IV. La société civile : une voix sous silence ?

Un autre élément fondamental à considérer dans l’analyse de la campagne électorale gabonaise est la place de la société civile. Les associations, les mouvements citoyens et les acteurs de la société civile qui militent pour plus de démocratie, de transparence et de justice sociale sont souvent marginalisés dans les débats publics. Lorsque les candidats s’engagent à défendre les intérêts du peuple, les organisations populaires restent fréquemment sur le banc des accusés, leurs critiques souvent ignorées ou étouffées par les puissants du moment.

Cependant, certaines voix émergent, notamment celles des jeunes et des groupes militants qui dénoncent le système politique et économique en place. Ces voix, bien qu’elles soient parfois réduites au silence, cherchent néanmoins à insuffler un souffle de changement véritable, loin des discours politiciens qui se contentent de promesses vagues et de manipulations électorales.

Conclusion : Un changement illusoire ou une chance pour le Gabon ?

En somme, la campagne électorale de 2025 au Gabon est marquée par des discours contradictoires entre les promesses de changement et la réalité politique, économique et sociale du pays. Si certains prétendent vouloir rompre avec le passé et instaurer une nouvelle ère de réformes et de progrès, les pratiques passées, les alliances opportunistes et le contrôle des médias dépeignent un système politique qui peine à se réinventer véritablement. Le Gabon semble être à un carrefour décisif, où l’espoir d’un avenir meilleur se heurte à la résistance des structures de pouvoir bien ancrées.

Pour que cette élection soit véritablement un moment de changement, les Gabonais devront non seulement s’assurer de la sincérité des promesses des candidats, mais aussi veiller à ce que la campagne ne soit pas un simple spectacle, mais un véritable processus de transformation pour le pays. Seule une volonté politique sincère et un engagement véritable pour la démocratie et la justice sociale pourront garantir que le Gabon 2025 soit réellement une année de renouveau.

                                                                                      Miamba, le dimanche 30 mars 2025

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