
C’est un principe bien connu que la préparation et la réussite de tout grand événement requièrent
la concertation préalable avec les forces vives de la communauté, pour baliser le terrain. Cette
démarche de respect et d’inclusion, qui peut être sportivisée, scientificisée ou spiritualisée,
participe toujours en dernière instance du renforcement de la solidarité de corps, à la fois
sociale, inter corporative et politique. C’est donc une démarche d’apaisement du climat social
pré électoral, avec anticipation sur les lendemains post électoraux, par la revalorisation des
dignités rétrécies, amenuisées, discriminées et blessées. Puis, l’harmonisation des ententes,
pour dissiper les préjugés, régler l’insociable sociabilité et renforcer l’agir communicationnel
(Habermas).
Cependant, faire déboucher une telle démarche sur la démonstration des grandes réalisations
accomplies dans un laps de temps et communier par ce fait avec les classes sociales qui saluent
spontanément la transformation ainsi opérée et observée, est-ce pour la nouvelle élite dirigeante,
une façon de reproduire le théâtralisme politique, et de se montrer par-là complice d’une
mentalité rétrograde du passé redevenue aujourd’hui persistance et résurgente ?
Voilà deux questions, en une, qui cristallisent aujourd’hui l’attention et méritent d’être
répondues à l’aune de l’actualité politique nationale, du débat qui enfle dans l’opinion publique
et du regard que peut en avoir la philosophie politique.
À ces deux question, la raison répond cependant par la négative. En effet, il y a une dialectique
entre le conformisme politique et le transformisme politique. C’est la tension entre périodisation
et cristallisation du passé politique d’un côté, et de l’autre, la valorisation d’un renouveau
politique qui le transcende et en rectifie les erreurs.
La théorie de la politique autrement s’inscrit pour l’essentiel dans cette dernière position.
Elle invite, non pas à l’anachronisme et au conformisme politique à un passé tombé en
désuétude ; mais à un transformisme générateur du renouveau politique, et du renouvellement
des structures, de l’infrastructure et de la superstructure.
Cependant, l’intellectualisation de cette dialectique ne requiert pas seulement, à titre de
préalable et d’exigences, la nécessité d’un discernement en politique, du point de vue des
attentes collectivement nourries, entre le passé et le présent politiques. En sollicitant en second
lieu un substrat d’objectivité, elle convoque aussi l’arbitre de la raison et le devoir moral d’un
positionnement juste face à la question de savoir ce qu’il est en réalité normal de célébrer en
politique. Entre d’un côté, la réduction conformiste de la politique à sa plus simple expression
et sa célébration théâtraliste de l’intérêt historiquement nombriliste, auto consolateur et
consécrateur d’un démocratiquement inadmissible, sur fond d’une précarisation du grand
nombre. Et de l’autre, une pragmatique politique plutôt vouée à la construction et à la
transformation du pays, portée à valoriser l’utile, à saluer les grandes réalisations qu’elle opère
et à réorganiser la marche du progrès. Pour trancher la dialectique, le modus operandi de cette
transformation est encore un préalable d’égale importance à prendre en compte, non pas dans
une optique régressive. Mais dans le sens du renouvellement transformateur des structures et
des mentalités, que la rhétorique critique veut radicaliser du point de vue de l’opérationnalité.
Or, là réside le problème de la deuxième question de départ. D’abord, parce que les
habitudes longtemps entretenues et ancrées ont la peau dure. Ensuite, parce que, comme dit
Habermas, le changement de mentalité ne se commande pas comme on lance une mode. Enfin
parce que, du seul fait de sa propension à s’afficher comme le plus gros chantier en matière de
transition politique et de relance économique post transitoire, le changement de mentalité
requiert, pour son effectivité, patience et longueur de temps. Paris, dit-on, ne s’est pas construit
en un jour.
Le précédent principe n’invoque donc pas seulement la différence radicale de mœurs entre
les époques passées et présentes. En reconnaissant implicitement un transfert de mentalités du
passé vers le présent, il montre aussi par-là deux choses. D’abord l’idée que la persistance dans
le présent politique d’une mentalité rétrograde en vigueur dans le passé, ne peut être, ni imputée
à la responsabilité d’un pouvoir qui succède à un autre et qui se trouve par-là même en instance
de prise de marques, ni insinuer une présomption de complicité de la part des acteurs politiques
du moment qui se battent a posteriori pour la solutionner. La vérité, à l’aune de l’arbitrage de
la raison, c’est que toute transformation politico-mentale intervenant au terme d’un changement
de régime, est tributaire de l’effort de changement superstructurel à mettre au crédit et au mérite
du présent politique. Mais dans l’optique sartrienne d’une existence précédant l’essence, c’est
à son plein accomplissement que le changement souhaité, – qui, au demeurant, requiert à titre
de solution, un retour aux valeurs divines, ancestrales et constitutionnelles dans l’agir politique,
- deviendra à terme en acte, ce qu’il est aujourd’hui en puissance. L’effectivité d’un changement
intervient donc toujours en décalage avec le moment où l’histoire s’écrit. Et comme dit Hegel,
c’est finalement au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son envo