L’abbé Mihindou mi Magang Valentin nous parle de la vision de l’abbé Aimé Noël NGWA sur l’engagement des chrétiens en politique

Un jeune prêtre gabonais, en service au foyer de charité de Libreville , nous présente le souci porté par l‘abbé Aimé Noël NGWA, prêtre de l’archidiocèse de Libreville, une véritable bibliothèque. Ce jeune prêtre est l’abbé Mihindou mi Magang Valentin, ordonné prêtre des mains de Mgr Jean Patrick IBA-BA le 25 juin 2022 à la cathédrale Notre Dame de l‘Assomption, vallée sainte Marie. Il nous parle de la vision de l’abbé Noël sur l’engagement des chrétiens en politique.
« La vision de Noël NGWA sur l’engagement des chrétiens en politique »
Un parcours à travers Choisir de dire la vérité. Ma lutte pour la liberté et la justice et Le prix de la liberté.

Les chrétiens doivent-ils se mêler de politique ? Si oui, à quel titre et sur quoi se fonderaient-ils pour justifier ce que beaucoup appellent une confusion de domaine à travers l’irruption du sacré dans le profane ?
« Solidaires du genre humain, les chrétiens et les chrétiennes ne peuvent se détourner des réalités de ce monde engagé dans une mutation rapide et sans précédent en tous domaines. (…). Nous vivons dans une société laïque [certes. Mais] cette situation n’implique nullement que la dimension religieuse et la dimension éthique soient écartées de l’espace public. Les catholiques participent comme tous les citoyens aux débats politiques. La politique a en effet comme ambition de réaliser le ″vivre ensemble″ de personnes et de groupes qui, sans elle, resteraient des étrangers les uns aux autres : « ceux qui soupçonnent la politique d’infamie s’en font souvent une idée courte… L’action politique a un fantastique enjeu : tendre vers une société dans laquelle chaque être humain reconnaitrait en n’importe quel autre être humain son frère et le traiterait comme tel »… L’organisation politique existe par et pour le bien commun, lequel est plus que la somme des intérêts particuliers, individuels ou collectifs, souvent contradictoires entre eux : « Il comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus facilement » ».
Cette vision du chrétien, animal social, donc interpellé par tout ce qui concerne la vie des hommes en société est celle que partage aussi l’abbé Noël NGWA. Pour lui, le chrétien, aussi bien le clerc que le laïc, ne saurait rester insensible et indifférent à ce qui touche à l’organisation de la cité, de la chose publique.
Pour ce qui est de l’engagement des clercs, dans la mesure où l’Eglise ne prétend évidemment pas à une compétence privilégiée dans le domaine de la politique, la réponse justifiant son intervention se trouve alors dans le caractère éthique des multiples choix économiques, politiques et sociaux faits par les dirigeants et face auxquels les populations se trouvent confrontés.
En s’engageant donc dans les débats sur des problèmes éthiques concrets de la vie sociale, économique et politique, les clercs se sentent-ils dans leur rôle car :
« le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Evangile qui est la mission de l’Eglise pour la Rédemption de l’humanité et sa libération de toute situation oppressive ».
Et c’est exactement cette vision que partageait l’abbé Noel NGWA, qui justifie ainsi son engagement en politique :
« J’estime, en effet, que rien de ce qui touche au développement de mon pays ne m’est étranger ; que si des compatriotes demandent mon point de vue sur leur vision de la société gabonaise de demain, je me dois de répondre positivement à leur démarche. L’Eglise ne doit pas être absente de ce bouillonnement d’idées d’où jaillira la société plus juste et plus fraternelle à laquelle aspirent tous les Gabonais ».
Pour l’auteur de Choisir de dire la vérité. Ma lutte pour la liberté et la justice, il est un devoir pour les chrétiens, mais plus encore pour les pasteurs de l’Eglise d’être présents là où se décident les conditions de l’évolution d’un pays. Et cela parce que les clercs ne sont pas des étrangers dans une société. Ces propos du prélat nous renvoient donc à ce que disait le poète latin Terence : « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Pour l’abbé Noel-Aimé NGWA NGUEMA, il nous faut donc constamment avoir à l’esprit l’homme et tout l’homme, considéré toujours comme une fin et jamais seulement comme un moyen, pour comprendre le sens de son engagement politique. Et il le précise clairement lui-même à propos de son engagement dans le Mouvement de Redressement National (MORENA) :
« Mon engagement au MORENA ? Il a été contesté par certains. Il a au moins eu le mérite d’avoir existé et de faire réfléchir. J’avais à choisir : ou bien me désolidariser de ceux qui avaient pris le risque de dire tout haut ce que la majorité des Gabonais exprimaient tout bas, ou bien les soutenir intellectuellement et moralement. J’ai opté pour la deuxième possibilité ».
Soutenir intellectuellement et moralement ceux qui s’engagent à offrir des meilleures conditions de vie aux populations, tel est, pour l’abbé Noël NGWA, une raison suffisante pour que les clercs s’engagent en politique. Non pas comme leaders de partis politiques, mais comme soutiens intellectuels et moraux.
Pour l’abbé Noël NGWA, il est primordial de rappeler d’abord à tous que la politique est le lieu par excellence de la manifestation de la charité. Une charité qui s’exprime par la prise en compte des problématiques liées au développement intégral de l’homme. C’est cette considération qui doit inciter les chrétiens, fidèles laïcs et clergé, à s’investir dans le domaine de la politique avec le bagage de l’enseignement social de l’Eglise afin de transformer la société à partir de là où se prennent les décisions.
En affirmant que « la politique est la plus haute forme de la charité », le Pape Pie XI, pape de l’entre-deux guerres mondiales, met alors en rapport de façon directe et efficace deux concepts qui paraissaient jusqu’alors antagonistes, pour souligner la dimension éthique de l’action politique, justifiant de fait la nécessaire intervention des chrétiens, en Eglise parce qu’autorité morale de référence, en politique. Il s’agit alors de dépasser le sempiternel débat sur Dieu et/ou César et, pour la cause de la justice et de la vérité, de s’engager, d’agir avec impartialité dans l’intérêt du peuple. En effet,
« quand les limites entre l’honneur et le déshonneur ont disparu; lorsque la différence entre la moralité et l’immoralité n’est plus perçue, c’est bien la preuve qu’on est entré dans la société des gens qui sont nés avant la honte. La honte pour eux est devenue une vertu, qui plus est, un droit. Ils n’ont que faire du « Qu’en dira-t-on? » Leur seule philosophie : « le chien aboie, la caravane passe » ».
Et dans cette société, il est impossible que les chrétiens, notamment les clercs ne s’engagent pas pour défendre le peuple. Parce que quand l’homme se voit priver de ce qui fait de lui véritablement un homme – respect de sa dignité qui suppose ne pas mendier ce à quoi il a droit, respect de ses droits et libertés – , seul le langage de la révolte contre la tyrannie et l’oppression lui est alors perceptible. Et dans ce cas, le devoir du clergé sera de s’engager pour redonner à l’homme sa dignité et sa liberté et de travailler à la promotion du bien commun.
Pour l’abbé Noël NGWA, les chrétiens, justement parce qu’ils sont chrétiens, ne peuvent pas se soustraire du monde de la politique. Ils y ont leur place, surtout les prêtres et les évêques, dans leur rôle de bergers mais aussi de veilleurs : « Les évêques peuvent-ils rester neutres lorsque sont en jeu des valeurs comme la vérité, la justice, la liberté, la vie humaine, etc. ? L’Evangile lui-même est-il neutre ? ».
La réponse à cette question est sans appel et sans équivoque :
« L’Evangile n’est pas neutre. Les évêques et les prêtres, témoins de l’Evangile ne le sont pas non plus. En fonction de leur mission d’annonce de l’Evangile à tous, ils peuvent être amenés à des interventions en matière politique, qui étonneront. Ils auront à s’en expliquer mais pas nécessairement à y renoncer ».

  1. L’engagement des laïcs en politique
    L’engagement des chrétiens en politique ne saurait cependant être le fait des seuls clercs. Peut-être bien plus qu’eux, il appartient aux fidèles laïcs également d’investir la sphère politique. Car « pour les fidèles laïcs, la politique est une expression qualifiée et exigeante de l’engagement des chrétiens au service des autres », comme nous le rappelle le pape saint Paul VI. Et c’est bien là aussi la vision que partage l’auteur du Prix de la liberté. En effet, à travers l’adhésion d’Auguste Samba, celui qui « avait voulu faire don de sa vie à Dieu et eux hommes, ses frères, en se vouant au ministère de la parole », mais qui n’en avait pas été jugé digne parce qu’on lui reprochait son esprit indépendant et frondeur, au parti Union Démocratique et Socialiste Siafanoise (UDSS), il s’agit bel et bien du fidèle laïc qui décide de s’engager en politique pour le bien-être de ses concitoyens. Puisqu’Auguste Samba, au moment de son adhésion au parti, était non seulement le délégué du personnel de la SGF, la principale société d’exploitation forestière de Siafan, mais aussi un fidèle et pratiquant catholique. ​​
    « Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien ».
    Les laïcs sont une catégorie des fidèles du Christ. Ainsi, tout comme les ministres ordonnés et les consacrés, eux aussi fidèles du Christ, ils ont aussi la mission d’étendre le règne du Christ à toutes les nations. Mais c’est dans le monde et dans les affaires dites profanes, c’est-à-dire dans leurs milieux de vie qu’ils sont appelés à accomplir cette immense et noble mission. Il s’agit pour eux, dans le cadre de cette mission, comme le dit le pape Paul VI, de la « mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde ». En d’autres termes, il s’agit de vivre dans le monde en chrétien fervent et convaincu et d’évangéliser ce monde :
    «Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l’évangélisation comme sont l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance. Plus il y aura de laïcs imprégnés d’évangile responsables de ces réalités et clairement engagés en elles, compétents pour les promouvoir et conscients qu’il faut déployer leur pleine capacité chrétienne souvent enfouie et asphyxiée, plus ces réalités sans rien perdre ou sacrifier de leur coefficient humain, mais manifestant une dimension transcendante souvent méconnue, se trouveront au service de l’édification du Règne de Dieu et donc du salut en Jésus-Christ ». A suivre …! Sur le Journal papier l’échevin parution du mois de Mars 2025.

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