« Rentrée pastorale : la conférence de Sœur Sidonie OYEMBO»

Sr Sidonie OYEMBO a donné une conférence magistrale à la paroisse Saint Pierre de Libreville à l’occasion de la session pastorale diocésaine 2025-2026. Le thème de la dite méditation axée sur trois pas dont nous publions l’exposé ici:

Méditation pour la Rentrée Pastorale

⁵Thème: Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13-14)

Introduction

Je remercie son Excellence Monseigneur l’Archevêque pour cette belle initiative de rentrée pastorale innovante. Ayant été sollicitée pour y apporter ma modeste contribution, je voudrais le faire à travers quelques pas qui me semblent significatifs :

  • Le rôle du sel et de la lumière dans les sociétés gabonaises d’hier et d’aujourd’hui et ainsi que dans l’Archidiocèse de Libreville ;
  • Les paraboles du sel et de la lumière, un lieu théologal
  • Application des paraboles du sel et de la lumière à l’Archidiocèse de Libreville.

J’ai choisi de ne pas écrire un texte scientifique mais de partager une méditation. Je demande à l’Esprit-Saint de me guider afin que tout ce que je vais dire soit sel et lumière.

  1. Le rôle du sel dans les sociétés gabonaises d’hier et d’aujourd’hui ainsi que dans l’Archidiocèse de Libreville
    1. Dans les sociétés d’hier et d’aujourd’hui

Autrefois, le sel indigène était une denrée alimentaire et un remède essentiellement végétal. Il servait à assaisonner les mets, à soigner les plaies, à purifier l’eau et certains produits consommables.  Avec l’avènement de l’esclavage et plus tard de la colonisation, le sel de mer devint une denrée rare et précieuse et tellement recherchée qu’il joua un rôle important dans les trocs et même dans la sale besogne de l’esclavage. Une fois découvert par les populations locales, ce sel importé a progressivement remplacé le sel indigène qui, jusqu’aujourd’hui n’est plus utilisé que dans de mets et soins traditionnels.

Les populations d’antan s’éclairaient avec les luminaires naturels ; le jour le soleil et la nuit, la lune. Avec la découverte du feu, elles commencèrent à s’éclairer au feu de bois. La découverte de l’encens dans certaines plantes et dans la sève de quelques arbres comme l’okoumé du Gabon leur permis de fabriquer des torches indigènes.

Aujourd’hui, les luminaires naturels sont transformés en énergie solaire pour éclairer les populations. Toutefois, la torche indigène continue de jouer un rôle capital dans les célébrations ancestrales et certaines veillées mortuaires.

L’instabilité du réseau d’éclairage au Gabon est un cri social qui déstabilise plus d’une famille et freine le développement socio – économique. Combien de petits entrepreneurs restent désœuvrés des journées entières par manque d’électricité ? Combien de personnes et d’établissements ayant un contrat avec la SEEG voient leur matériel se détériorer à cause de la qualité parfois médiocre de l’électricité ?

Combien de personnes ploient sous le poids de l’insécurité à cause de l’obscurité ? Combien d’habitants du Gabon ont la vue affaiblie à cause du mauvais éclairage ?

Tout ceci nous rappelle la fragilité de la créativité humaine et devrait nous pousser en ce Jubilé d’Espérance à nous battre pour nous orienter vers des alternatives personnelles et socio- économiques d’envergure étatique et privée.

  1. Dans l’Archidiocèse de Libreville

Au niveau de l’Archidiocèse de Libreville, le sel et la lumière sont utilisés comme symboles liturgiques lors des célébrations sacramentaires dont la principale est l’eucharistie ainsi que dans la célébration des sacramentaux comme la bénédiction de l’eau et des objets de piété.

La bénédiction du sel et de l’eau sont des actes de piété qui prennent parfois le dessus sur la véritable célébration liturgique. On peut venir faire bénir le sel par le prêtre ainsi que les bougies et l’eau mais ne pas participer à la célébration eucharistique. Les sacramentaux prennent quelquefois la place de l’adoration au vrai Dieu, de la rencontre avec le Christ réellement présent dans l’eucharistie et qui, du fond du tabernacle demeure encore avec nous dans chacune de nos églises paroissiales. Cette conduite en appelle à une catéchèse continue de proximité avec le peuple de Dieu dans les paroisses.

Le choix de Mt 5, 13 – 14 comme thème de l’année pastorale nous invite à nous poser la question de savoir ; Quelle représentation socio-culturelle avons-nous du sel et de la Lumière ? Comment faire le passage de ces représentations et croyances culturelles à l’Evangile pour que ce dernier les illumine ?

  • Faire de la parabole du sel et de la lumière, un lieu théologal
  • Le sel ou la parabole du goût de Dieu

Les biblistes ont déjà exposé le sens scripturaire du sel hier. Je voudrais aujourd’hui, faire une approche théologique qui parte de la vie concrète. Comme le sel modifie en imposant un goût particulier à tout ce qu’il touche ou qui s’en imbibe, le chrétien catholique est appelé à donner du goût là où il se trouve, à modifier le goût mondain en goût évangélique, à conserver la pureté de la foi.

Cette année pastorale nous invite à rechercher ensemble, en Eglise archidiocésaine comment :

  • Conserver les expériences de communion, de collaboration, qui favorisent la croissance sur le chemin de la sainteté et consolide la foi, l’espérance et la charité ;
  • Purifier Le climat mondain qui persiste dans nos paroisses pour le modifier ;
  • Sanctifier les lieux personnels et communautaires où l’on a perdu le goût de l’Evangile afin de leur redonner la saveur évangélique ?
  • La lumière ou la parabole de la présence de Dieu

La lumière a le rôle d’éclairer et le grand luminaire qu’est le soleil, non seulement éclaire et réchauffe, purifie aussi. Le Chrétien catholique est donc envoyé dans l’Archidiocèse pour être celui ou celle qui éclaire, réchauffe, et témoigne de l’expérience de la foi comme une voie de conversion authentique et de sanctification. Aujourd’hui, nous avons la joyeuse et noble responsabilité de proclamer que le Christ n’est pas seulement Celui qui guérit. Il est Dieu. Il nous sauve du péché, il partage avec nous la vie divine. Il est la lumière du monde et de tout le cosmos et cela ne se négocie pas avec les autres pratiques ni ancestrales, ni modernes.

Libreville devient de plus en plus un espace de rencontres interreligieuses, un foisonnement pandémique de croyances. Les temples traditionnels de tous les types, à côté d’une multiplicité d’églises chrétiennes et de mosquées cohabitent dans les principales villes de l’Archidiocèse et dans les zones rurales. Ce n’est pas toujours la paix. Dans la plupart des familles existe cette mosaïque spirituelle conflictuelle ou pacifique, syncrétique ou radicale.

Comment la Commission diocésaine de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux peut-elle rejoindre les préoccupations des chrétiens et des CEVB dans les paroisses ? Quels accompagnements offrir ? Quelle formation continue la Commission diocésaine de la Catéchèse peut – elle proposer ? Comment un synode diocésain pourrait-il apporter des réponses aux questions récurrentes de l’inculturation, du syncrétisme et de la communion interne ?

  • Application des deux paraboles aux chrétiens de l’Archidiocèse

Le Chrétien catholique dont il s’agit ici est tout baptisé, de l’Archevêque au tout dernier baptisé. Être sel et Lumière en communauté archidiocésaine, nous exige de vivre réellement la synodalité dans l’espérance.

Nous encourageons donc l’Archevêque, Berger de tous, à poursuivre cette écoute de toutes les brebis du Seigneur qu’il lui confie. Qu’il puisse le faire personnellement quand il le peut ou à travers ses plus proches collaborateurs, la Curie diocésaine, les prêtres, les Commissions épiscopales. Ecouter c’est donner à l’autre la possibilité de me donner Dieu, c’est accueillir l’Esprit – Saint qui le fait mouvoir. C’est s’asseoir ensemble autour de la table de la communauté synodale archidiocésaine présidée par l’Archevêque mais dans laquelle, tous, prêtres, laïcs et personnes consacrées avons une place, une parole et une mission. Être sel c’est donner le goût de Dieu, le goût de sa présence. « « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom ; je suis au milieu d’eux ». Et cette présence du Christ nous rend capables d’accueillir, d’apprécier et de promouvoir les diverses vocations en Eglise.

Nous remercions les prêtres et les encourageons à être encore davantage des prêtres serviteurs et guides de leur peuple, marchant avec eux, près d’eux et quelquefois les bousculant sur le chemin de la conversion. Des prêtres qui donnent le goût de Dieu aux fidèles par leur foi, leur vie de prière, leur disponibilité à l’écoute, l’annonce de la Parole de Dieu, le don des sacrements pour que, par eux, instruments des dons du salut, Dieu touche et sauve encore son peuple aujourd’hui. Des prêtres qui hument l’odeur des brebis sans grimaces et sans les chasser, aussi forte que soit ce parfum spécial, tellement ils s’identifient au Christ en portant l’étole et en lavant les pieds des fidèles dans la vie de tous les jours. Des prêtres qui se savent pécheurs sauvés mais choisis et consacrés, dispensateurs des dons divins. Heureux et humblement fiers de partager la table du publicain, de se laisser toucher par la pécheresse, de se relever quand ils tombent comme le Christ l’a fait sur la voie du calvaire. Nous remercions et encourageons les personnes consacrées qui, par la radicalité de la consécration de leur vie à Dieu rappellent à l’Eglise et au monde que ce temps passe. Par les vœux, ils nous disent à tous que le mariage, les enfants, l’argent, les titres, les honneurs, la nationalité… tout cela est important pour la vie terrestre mais passe. Seul Dieu demeure. Il faut vivre les yeux fixés sur Dieu et les pieds bien enracinés sur terre sans toutefois que les priorités de ce monde n’empêchent la primauté de Dieu. Notre Archidiocèse a d’abord besoin de personnes consacrées qui donnent priorité à Dieu par la prière personnelle, communautaire et paroissiale. Des personnes consacrées qui soient témoins de la miséricorde de Dieu par les œuvres propres à leurs instituts tout autant que par celles confiées par le Diocèse. Des personnes consacrées qui donnent le témoignage de la fraternité locale et universelle, artisans de la communion en sachant se faire humble, demander et recevoir le pardon, plutôt serviteurs et servantes que maîtres et maîtresses. Des personnes consacrées qui sachent allier prophétie et charité, qui dénoncent par leur vie le refus d’une société fondé sur le matériel, le profit, les intérêts personnels au détriment du bien commun. Des personnes consacrées qui savent aussi sortir de leurs communautés pour aller à la rencontre des autres surtout de ceux et celles qui souffrent. Des personnes consacrées qui ne font pas de leur consécration un privilège mérité mais un don de la miséricorde divine

Nous félicitons et encourageons les laïcs qui sèment l’Evangile dans la famille et la société et deviennent par leur prière et leur engagement ; ferment de fécondité évangélique. Dans la vie privée conjugale être sel c’est donner le goût de l’amour que le Christ a pour ‘Eglise : « il s’est livré pour elle » (Eph 5). Être lumière en Famille c’est accepter que la Lumière de l’Evangile convertisse nos cultures : rompre avec la polygamie, le syncrétisme, faire davantage des choix plus radicaux. C’est entrer dans la dynamique de respect des choix de vie de chacun y compris celui de la vie religieuse et du sacerdoce. Vive reconnaissance aux laïcs qui savent partager humblement leur vie, leur prière, leurs compétences. Comment, la Commission pour l’apostolat des laïcs, peut-elle consolider et innover une pastorale qui outillent davantage les laïcs à être lumière dans le monde ?

Dans les milieux professionnels, l’économie, la politique, la société civile, la vie sociale sur tous ces plans, personne d’autre ne peut y saler la vie à bonne dose si ce n’est vous, chers frères et sœurs laïcs. Personne d’autre ne peut y indiquer la Lumière du Christ qui brille discrètement dans les ténèbres du monde si ce n’est vous.

Pour un laïc, être sel et lumière dans le siècle, le Gabon d’aujourd’hui, c’est vivre autrement, changer de cap en optant pour une économie solidaire, un développement au service du Gabon et de ses habitants, c’est vivre sa profession comme une mission baptismale et donc prophétique, c’est vivre la politique comme un service pour bâtir la civilisation de l’amour empreinte de justice, de paix et de réconciliation. C’est assumer la vie sociale en mettant la dignité inviolable de la personne humaine et du peuple de Dieu au centre. Comment la Commission diocésaine Justice et Paix peut-elle être sel et Lumière pour les sans – papiers, pour un environnement salubre et sain ? Pour nos frères et sœurs migrants, qu’ils trouvent une terre et des amis ? Comment évangéliser le veuvage ? Les procédures de succession ? Les conseils de famille ?  Comment mieux motiver et accompagner la mise en place des comités paroissiaux Justice et Paix ? Comment intensifier la collaboration entre les Commissions diocésaines et avec les Ministères de tutelle ?

Conclusion

Être sel de la terre et lumière du monde, ne consiste pas à devenir une ONG. Ce qui est typiquement chrétien est que la lumière n’est pas une théorie, c’est une Personne divine qui a pris chair dans le sein de la Vierge Marie, s’est fait Homme jusqu’à mourir. Par sa mort et sa résurrection, il nous sauve. C’est donc en nous pénétrant de ses sentiments par la contemplation de sa Parole et par la participation active à l’eucharistie que nos cœurs, nos âmes et notre agir en seront impactés.

Quelques textes pour la méditation

1 CO, 12 – 13 : sur la parabole du corps que nous formons

Ac 1 – 2 : sur la communion fraternelle et le rôle de l’Esprit-Saint

Jn 13 : sur le service, le lavement des pieds

Textes du magistère du Pape François, Evangelii Gaudium et Fratelli Tutti

Une prière

  Sœur Marie Sidonie OYEMBO,cic

Docteur en Théologie

 et Consulteur au Dicastère des Instituts de vie Consacrée et Sociétés de Vie Apostolique ( DIVCSVA).

SEIGNEUR JESUS

Seigneur Jésus, dans le silence de ce jour naissant, je viens vous demander humblement, mais avec confiance, votre paix, votre sagesse, votre force.

Faites qu’aujourd’hui, comme vous, je regarde le monde avec des yeux tout remplis d’amour.

Faites-moi comprendre que tout ce qu’il y a de splendide dans votre Eglise jaillit de votre croix comme de sa source.

Que j’accueille mon prochain comme celui que vous voulez aimer par moi.

Que je sois prêt à me dévouer à son service et à développer le bien que votre amour a placé en lui.

Que je sois doux en mes paroles et pacifiant par toutes mes manières.

Que seules les pensées qui bénissent demeurent en mon esprit.

Fermez mes oreilles à toute parole médisante et à toute critique.

Que ma langue s’applique à ne souligner que le bien.

Faites surtout, Seigneur, que je sois si bienveillant et si joyeux que tous ceux qui me rencontrent sentent à la fois votre présence et votre amour.

Revêtez-moi enfin de votre bonté et de votre beauté, pour qu’au long de ce jour, comme Marie, je vous révèle. Amen !!!

(Père Lyonnet).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *