
Réunis en Assemblée plénière Ordinaire, les évêques et archevêques de la conférence du Gabon ont clos leur rencontre en livrant un message
Mgr Jean Vincent ONDO EYENE Evêque d’Oyem/Président
Mgr Jean Patrick IBA-BA Archevêque de Libreville/Vice-Président
Mgr Mathieu MADEGA LEBOUAKEHAN Evêque de Mouila
Mgr Eusebius OGBONNA MANAGWU CH. Evêque de Port-Gentil
Mgr Ephrem NDJONI Evêque de Franceville
Mgr Séverin NZIENGUI MANGANDZA Vicaire Apostolique de Makokou
Mgr Basile MVE ENGONE Archevêque émérite de Libreville
MESSAGE DES EVEQUES DU GABON
Aux Prêtres, Diacres, Religieux et Religieuses, Fidèles laïcs, Hommes et aux
Femmes de bonne volonté !
Rappelez-vous le proverbe: A semer trop peu, on récolte trop peu; à semer largement, on récolte largement (2Co 9, 6).
L’action proprement missionnaire, par laquelle l’Eglise s’implante chez les peuples ou dans des groupes où elle n’est pas encore enracinée, est accomplie par l’Eglise surtout en envoyant des messagers de l’Evangile, jusqu’à ce que les nouvelles Eglises soient pleinement constituées, c’est-à-dire lorsqu’elles sont munies de leurs propres forces et de moyens suffisants qui les rendent capables de poursuivre par elles-mêmes l’œuvre de l’évangélisation (Canon 786).
La Parole de Dieu et le Magistère de l’Église offrent des perspectives claires sur l’autonomie financière comme signe de maturité ecclésiale. Le Code de Droit Canonique affirme que l’autonomie financière est une étape essentielle pour que les Eglises locales puissent poursuivre elles-mêmes l’œuvre d’évangélisation. Cette autonomie permet de soutenir les efforts nécessaires à l’accomplissement de la mission évangélisatrice confiée par le Christ..
Dans le contexte de la clôture de la XVIème Assemblée des Evêques sur la Synodalité, l’ouverture de l’année jubilaire 2025 portant sur l’Espérance et en route vers le bicentenaire de l’Eglise Catholique qui est au Gabon, l’autonomie financière de l’Église apparait comme une question importante qui interpelle la responsabilité collective dans la mission pastorale. En effet, la bonne gestion des biens et l’autonomie financière implique une large vision et une action concertée pour une Église locale, capable de subvenir à ses besoins essentiels et à la réalisation de ses projets pastoraux. Cette ambition repose sur une gestion rigoureuse, transparente et alignée sur des valeurs évangéliques.
Lors de son passage historique à Kampala, le 31 juillet 1969, le Saint Pape Paul VI lançait un appel aux Eglises locales d’Afrique, en les invitant à devenir leurs propres missionnaires: Africains, soyez vos propres missionnaires. Cet appel faisait de l’Eglise qui est en Afrique responsable de sa propre destinée, pour qu’elle commence à penser à ses problèmes, à se réaliser véritablement et à s’assumer en toute autonomie. Il y a lieu d’y entrevoir un appel à une double responsabilité : celle du management de l’Eglise dans sa maturité et la capacité à pourvoir à ses besoins (Ad Gentes 15).
I. UNE ÉGLISE EN QUETE DE MATURITE FINANCIERE
Bien aimés dans le Christ!
Une radioscopie de l’Eglise qui est au Gabon montre que les structures Économiques, les Conseils Pastoraux, les Mouvements d’Action Catholique, les organisationnelles, comme les Conseils Diocésains et Paroissiaux pour les Affaires C.E.V.B., etc…, ne se sont pas encore pleinement investis dans la dynamique de la maturité financière. Les initiatives isolées, bien que louables, restent insuffisantes face à l’ampleur des besoins. En conséquence, nos diocèses et paroisses dépendent encore majoritairement des dons, des quêtes et des legs dont la gestion pourrait étre améliorée.
L’un des défis majeurs de ‘Église qui est au Gabon est sa marche vers une autonomie financière effective et durable. Bien plus qu’une simple difficulté organisationnelle, cette réalité interpelle sa maturité en tant que témoin de justice et de responsabilité. En effet, l’Église est appelée à promouvoir une gestion juste et transparente de ses ressources, témoignant ainsi de sa mission pastorale dans sa dimension caritative envers la communauté.
Les Normes Nationales en Matière d’Alienation et d’Administration des Biens Temporels de l’Eglise et les Statuts du Conseil Paroissial pour les Affaires Economiques, de notre Conférence, inspirées des Plans Pastoraux des Ville et IXe Assemblées Plénières de l’ACERAC2 et des Canons 537 et 1254, bien que pertinentes, exigent une large exécution dans les Paroisses comme dans les Diocèses. Ce décalage entre vision pastorale et mise en œuvre révèle des faiblesses à corriger de manière collective et rigoureuse.
II. UNE AUTONOMIE FINANCIERE AU SERVICE DE LA MISSION
Bien aimés dans le Christ!
L’Eglise catholique peut, en vertu d’un droit inné, acquérir, conserver, administrer et aliéner des biens temporels, indépendamment du pouvoir civil, pour la poursuite des fins qui lui sont propres… Ces fins propres sont principalement : organiser le culte public, procurer l’honnête subsistance du clergé et des autres ministres, accomplir les œuvres de l’apostolat sacré et de charité, surtout envers les pauvres » (Canon 1254). Ce droit s’inscrit dans une vision où l’économie est mise au service de l’évangélisation. Ainsi, les ressources matérielles et financières doivent être gérées avec transparence, justice et responsabilité. La transparence garantit la confiance des fidèles en assurant une communication claire et accessible sur l’utilisation des biens. La justice, quant à elle, veille à une répartition équitable des ressources, alignée sur les priorités pastorales. Enfin, la responsabilité engage les gestionnaires à agir avec intégrité et discernement, en tenant compte des besoins présents et futurs de la communauté. Ces principes sont indispensables pour bâtir une Église locale crédible et solidaire.
Le Saint Pape Jean-Paul II, dans l’Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, au numéro 104, fait le lien entre structures d’évangélisation et moyens matériels. Il insiste sur l’urgence pour les Églises particulières d’Afrique, à s’engager dans une dynamique d’autofinancement.
Cette exhortation prophétique appelle à une réflexion approfondie sur les strategies à adopter pour atteindre cette autonomie.
La faible autonomie financière a des conséquences sur la mission de l’Eglise. Lorsque les ressources sont insuffisantes ou mal gérées, l’Eglise peine à assumer pleinement son rôle prophétique et pastoral. La mise en œuvre d’une bonne gestion financière permet à l’Église d’initier des projets pastoraux innovants, de répondre aux besoins des plus vulnérables et de promouvoir une culture de solidarité et de partage. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable de redynamiser les Conseils pour les Affaires Economiques et Pastoraux aux niveaux diocésains et paroissiaux. Celui-ci revêt un enjeu spirituel et missionnaire qui engage toute la communauté chrétienne à redécouvrir sa responsabilité collective; à contribuer activement à la construction d’une Eglise locale capable de remplir sa mission dans toutes ses dimensions.
III. PERSPECTIVES PASTORALES
Bien aimés dans le Christ!
La liberté financière de l’Eglise qui est au Gabon constitue une véritable visée pastorale, inscrite dans la mission globale de l’Église d’annoncer l’Evangile, de témoigner de la charité et de promouvoir une communauté chrétienne mature et responsable. Cette perspective se déploie à travers quatre axes principaux: la formation des consciences; le renforcement du management; le développement des activités économiques; la promotion d’une gestion éthique et la reddition des comptes.
Former les consciences à une spiritualité de l’autonomie
La capacité financière repose avant tout sur une transformation des mentalités. Il s’agit de cultiver auprès des pasteurs et des laïcs, une spiritualité de la communion et de la responsabilité, où chacun reconnait que la gestion des biens temporels fait partie intégrante de sa foi et de son engagement chrétien. La formation des consciences passe par une catéchèse approfondie sur le principe de la destination universelle des biens, tel que défini par la Doctrine Sociale de l’Eglise, qui enseigne que les biens matériels doivent être mis au service du bien commun et de la mission ecclésiale (Doctrine Sociale de l’Eglise, 172).
C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain (Gn 3, 19a). Par cette Parole, Nous, vos Evêques, nous nous engageons à promouvoir des initiatives de formation économique et financière pour aider les chrétiens à mieux comprendre les enjeux de la gestion des ressources et à développer des compétences dans les domaines y relatifs.
Renforcer le management des structures ecclésiales
La bonne gestion financière de l’Eglise repose sur une gouvernance efficace et bien structurée. Le management des structures ecclésiales doit s’appuyer sur des principes clés tels que la planification stratégique, la gestion participative et l’évaluation régulière des performances. La planification stratégique permet de définir des objectifs clairs et alignés avec la mission pastorale, tout en anticipant les défis futurs. La gestion participative valorise l’implication de tous les acteurs – clergé et laïcs – dans la prise de décisions, renforçant ainsi le lien d’appartenance et de coresponsabilité.
Enfin, évaluation régulière des performances assure un suivi rigoureux des actions entreprises, permettant des ajustements pour une meilleure efficacité. Le Conseil Pastoral et le Conseil pour les Affaires Economiques, aux niveaux diocésain et paroissial, jouent un rôle central dans l’application des principes clés de bonne gouvernance. Ces organes ne doivent pas se limiter à des fonctions consultatives, mais doivent être pleinement impliqués dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des projets pastoraux et économiques. Ils doivent travailler en nergie pour garantir que les projets pastoraux répondent aux besoins réels des fidèles, car élaborés avec la communauté, par la communauté et pour la communauté, tout en étant soutenables financièrement.
Développer des activités génératrices de revenus
Pour s’assurer de potentialités financières durables, l’Église qui est au Gabon doit s’inscrire dans l’exploration et la mise en œuvre des Activités Génératrices de Revenus (AGR). Celles-ci peuvent inclure la création de petites entreprises, conçues de manière professionnelle, avec des études de faisabilité préalables, des plans d’affaires solides et une gestion rigoureuse. A cet effet, Nous, vos Evêques, encourageons la mise en place d’espaces d’accompagnement en matière de conception et création d’entreprises (Espaces de Consulting et de Coaching chrétiens), afin que les C.EV.B. et les Mouvements d’Action Catholique soient des lieux d’éducation à une culture de l’autonomie.
Ces initiatives permettront non seulement de diversifier les sources de financement, mais aussi de renforcer la cohésion sociale et la solidarité au sein des communautés chrétiennes. De plus, elles offriront des opportunités de formation et d’emploi pour les jeunes, contribuant ainsi à leur épanouissement humain intégral et au développement économique local et national.
Promouvoir une gestion éthique et la reddition des comptes
Un équilibre financier authentique repose sur une gestion éthique des ressources. L’Eglise qui est au Gabon doit être exemplaire dans la manière dont elle administre les biens qui lui sont confiés. Cela nécessite la mise en place de mécanismes de contrôle et d’évaluation, ainsi que la publication régulière de rapports financiers accessibles à tous les fidèles.
En promouvant la transparence, l’Église renforce la confiance des fidèles et des donateurs, ce qui est essentiel pour assurer une base financière stable et durable.. La gestion éthique implique également une priorité accordée aux besoins des plus pauvres, témoignant ainsi de la charité qui est au cœur de la mission ecclésiale.
IV-RECOMMANDATIONS PASTORALES
Dans la perspective du bicentenaire de l’Église qui est au Gabon en 2044, Nous, vos Evêques, proposons des recommandations pastorales pour atteindre une autonomie financière effective. Ces recommandations s’adressent à l’ensemble de la communauté chrétienne, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, en tenant compte des réalités locales des Diocèses et Paroisses.
Pour ce faire, elles s’orientent vers
La formation et la sensibilisation sur la Doctrine Sociale de l’Eglise; La réalisation d’Audits Financiers, la publication des rapports et l’archivage
La transparence des documents comptables;
Le renforcement des capacités managériales des structures ecclésiales:
La création de petites entreprises;
Le développement d’une Solidarité interdiocésaine et le partage
d’expériences;
⚫ La conservation durable du patrimoine et la diversification des revenus.
Bien aimés dans le Christ!
La visée pastorale de l’autonomie financière de l’Eglise qui est au Gabon est claire: il s’agit de construire une communauté chrétienne responsable, mature et solidaire, capable de subvenir à ses besoins pour mieux servir la mission d’évangélisation. Cette autonomie, loin d’être une fin en soi, est un moyen de témoigner de la fidélité à l’Evangile et de répondre aux défis pastoraux de notre temps.
Ensemble, dans l’espérance, sous la conduite de l’Esprit Saint, engageons-nous sur ce chemin de responsabilité et de foi.
Que cette année jubilaire ravive l’espérance de tous. Que Notre-Dame du Gabon intercède pour notre pays et tous ses habitants.
Avec notre paternelle bénédiction.
Amen