1. La vie de Grégoire de Nysse
Grégoire est né entre les années 335- 340 dans la province antique du Pont (le nord de la Turquie actuelle) dont sont originaires ses ancêtres paternels. Ses grands-parents appartenaient à une lignée de nobles riches et cultivés. Chrétiens convaincus, ils ont dû fuir les persécutions des empereurs Galère et Maximin Daïa (entre 306 et 313). Le jeune Grégoire a sans doute recueilli auprès de sa grand-mère Macrine « l’Ancienne » le récit de ces temps éprouvants où la famille se cacha pendant sept ans dans les montagnes de la région.
Côté maternel, Grégoire est issu d’une puissante famille chrétienne de Cappadoce (au centre de la Turquie actuelle) exerçant des charges civiles et militaires à la cour de l’empereur. La branche maternelle n’a pas non plus échappé aux persécutions, puisque le grand-père de Grégoire fut mis à mort pour avoir indisposé l’empereur. Ses biens furent confisqués, puis sans doute restitués à la famille après la tourmente. Grégoire a dû aussi entendre sa famille parler avec vénération de Grégoire le Thaumaturge (« le faiseur de miracles »), apôtre de la Cappadoce au 3ème siècle …
Le père de Grégoire, Basile « l’ancien », était rhéteur (professeur d’art oratoire) dans sa province du Pont. Sa mère, Emmélie, orpheline renommée pour sa beauté, recherchée par de nombreux prétendants, trouva en la personne de Basile, un mari et un protecteur. Grégoire a eu 3 frères et 5 sœurs (peut-être la famille comptait-elle un dixième enfant, mort en bas âge). Outre Grégoire, L’Église a reconnu la sainteté de trois d’entre eux : Macrine la sœur aînée, Basile (le cadet, né vers 329, dit « le grand » ou encore « de Césarée », capitale de la Cappadoce dont il fut l’évêque) et Pierre (le benjamin, né vers 341, dit « de Sébastée », ville dont il fut évêque).
Outre l’éducation chrétienne reçue de sa famille, Grégoire s’applique à étudier les sciences et la philosophie, il s’exerce aux techniques de l’éloquence et du langage. Grégoire lit des œuvres de Platon, subit l’influence des Stoïciens, de Plotin et des néo-platoniciens … Il apprend les mathématiques, l’astronomie, s’intéresse à la médecine. Son œuvre théologique et spirituelle sera toujours profondément marquée par sa culture générale. Appelé comme lecteur dans l’Église, Grégoire est amené à approfondir sa connaissance des textes de la Bible. Ses qualités de rhéteur sont très appréciées à Césarée. Vers 364 pourtant, en abordant la trentaine, Grégoire abandonne sa charge de lecteur et reprend une brillante carrière de rhéteur. Sans doute la passion de la rhétorique est-elle la plus forte. Cette réorientation suscite des remous auprès de ses proches et des milieux chrétiens de Césarée. Le lectorat est en effet considéré comme la première marche vers une carrière dans l’Église. Grégoire exercera pendant une dizaine d’années son métier de maître en rhétorique. Il est à peu près certain que Grégoire se soit marié. Mais on ignore précisément pendant combien de temps il le demeura. Certains auteurs, se fondant sur la correspondance de Grégoire de Nysse, Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze, avancent que l’épouse de Grégoire s’appelait Théosébie, que le couple eut un fils nommé Cynégios et que Grégoire devint veuf vers 385.
En 370, Basile est élu évêque de Césarée, devenant ainsi métropolite (= archevêque) de Cappadoce. Vers 372, l’empereur arien Valens découpe la province de Cappadoce, peut-être pour réduire l’influence de Basile, fidèle au dogme de Nicée. L’Église est divisée. Basile cherche à accroître le nombre de ses suffragants et mobilise alors son frère Grégoire en le nommant de force évêque de Nysse, petite bourgade de l’ouest de la Cappadoce, à quelques kilomètres au sud du fleuve Halys (aujourd’hui : le Kizil Irmak). Mais Grégoire n’est pas homme de poigne, les affaires administratives et ecclésiastiques ne sont pas son fort et il fait preuve, aux yeux de son frère, d’une certaine naïveté au milieu des luttes entre partisans de différents courants théologiques. Il rencontre des difficultés au point que Basile doit dépêcher à Nysse, en 373, Amphiloque d’Iconium pour remettre de l’ordre. En 375, voilà Grégoire injustement accusé par une conspiration arienne de dilapider les biens de l’Église et de procéder à des ordinations illégales. Un synode réuni à Ancyre (auj. : Ankara) le dépose de sa charge épiscopale et l’oblige à fuir. Un autre synode arien réuni à Nysse en 376 remplace Grégoire par un évêque acquis aux thèses d’Arius. Grégoire est condamné à l’exil, comme d’autres évêques du « parti nicéen ». Il faudra attendre l’automne 377 pour que la mort de l’empereur Valens et la révocation des sentences d’exil permettent le retour à Nysse de Grégoire. L’accueil de la population est triomphal (Lettre 6). Grégoire peut reprendre les initiatives qui lui tiennent à cœur : renforcer la vie monastique à Nysse, achever l’oratoire (martyrium) dédié aux martyrs de Sébastée.
C’est aussi, semble-t-il, en août 377 que survient la mort de Basile de Césarée. Grégoire a environ 45 ans. C’est un tournant de sa vie qui s’amorce alors. Grégoire se sent investi de l’héritage pastoral de son illustre frère : soutenir coûte que coûte la foi de Nicée, achever l’œuvre théologique de Basile, développer le mouvement monastique initié par son frère et sa sœur.
- Ouvrages de Grégoire
a) Quatre livres Contre Eunome. Il s’agit, sans doute, de la meilleure apologie antiarienne de IV siècle.
b) Antirrheticus adversus Apollinarem, le plus important des écrits antiappolinaristes qui nous ait été conservé.
c) Discours catéchétique (la Grande catéchèse). C’est une présentation et une défense des principaux dogmes chrétiens contre les hérétiques. Ce document est considéré comme modèles des futurs catéchismes.
d) Le dialogue De anima et resurrectione, qui dépend du Phédon de Platon, est consacré au souvenir de sa sœur Macrine. Il met dans sa bouche les idées chrétiennes sur l’âme, la mort, l’immortalité et la résurrection de la chair.
e) De opificio hominis et In Hexameron. Il s’agit des ouvrages commentant le récit de la création. Ils veulent compléter les homélies de Basile.
f) Le commentaire allégorique du Livre de l’Exode De vita Moysis : il s’agit d’un texte sur la vie spirituelle de l’homme et sur sa montée vers Dieu.
g) Les Homélies sur le Cantique des cantiques : Dieu est représenté comme le fiancé de l’âme humaine.
Abbé Séraphin OBAME NDONG
Dr en theologie biblique, option narratologie,
Littérature sémitique et hellénistique.