Abbé Noël NGWA et la dimension Sociopolitique de l’Espérance

Communication de : Edmond Dominique EPOMA-NGADI
Thème : Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA : Un Journalisme au service de la dimension sociopolitique de l’Espérance

INTRODUCTION GENERALE
Avant de parler de la dimension sociopolitique de l’Espérance Chrétienne dans le journalisme pratiqué par l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA, de vénérable mémoire, il est crucial, en cette période de Carême, dans le contexte de l’année Jubilaire 2025, dont le thème est dédié à l’Espérance : « Pèlerins de l’Espérance », de nous poser la question : Qu’est-ce que l’espérance chrétienne ? Selon l’enseignement séculaire de l’Eglise Catholique, l’espérance est l’une des trois vertus théologales : Foi, Espérance et Charité. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique enseigne que :  » L’espérance est l’attente confiante de la bénédiction divine et de la vision bienheureuse de Dieu ; elle est aussi la crainte d’offenser l’amour de Dieu et de provoquer le châtiment  » (CEC, n°2090-2091).
Toutefois, en parlant  » d’attente confiante de la bénédiction divine … » s’agit-il d’immobilisme, d’inaction et de résignation aux situations injustes, d’indifférence face aux atteintes graves contre les droits humains, la liberté, la vérité et la dignité de la personne humaine ? On attend avec confiance cette bénédiction divine et cette vision bienheureuse de Dieu à la fin des temps, à genoux, les mains jointes, prostrés, la tête inclinée à 90 degrés, assis, couché, débout sans bouger ou s’agit-il, plutôt, de se mettre en mouvement, en marche comme de véritables pèlerins de l’espérance sur les routes du monde, portés par la foi et inspirés par la charité sociale et politique ? C’est effectivement là que se situe toute la problématique de l’espérance, entre sa dimension purement théologale et eschatologique et sa dimension humaine, concrète, historique, sociale, économique et politique.
L’espérance sociopolitique dont l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA a été le héraut au Gabon et à travers le monde, par ses écrits et sa riche activité éditoriale s’inscrit bien dans ce qu’on appelle l’espérance messianique en Jésus-Christ. En effet, en Mt 11, dans sa prison, Jean le Baptiste envoie ses disciples poser la question suivante à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Il leur répond : « Allez voir Jean et racontez-lui ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, les éclopés marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts se réveillent et les pauvres entendent une bonne nouvelle. » (Mt 11, 3-5, Cf. la Bible des peuples). C’est au service de cette espérance des peuples opprimés que l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA a consacré sa plume de journaliste.
Dans ce sens, la première épître de Saint Pierre parle de « vivante espérance » (1 P 1, 3). Le Directeur du Journal MISAMU l’avait bien compris et pleinement vécu : l’espérance chrétienne véritable doit pousser à l’action et soutenir de façon durable l’engagement politique et citoyen des fidèles baptisés. Il a tenté de le traduire, avec ses forces et ses faiblesses, à travers son activité éditoriale.
Mais, comment s’est formée la conscience critique et analytique de ce grand éditorialiste ?

I- FORMATION DE LA CONSCIENCE CRITIQUE DU JOURNALISTE ET HOMME DES MEDIAS, Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA
• L’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA est né en 1933, avant les indépendances, dans le contexte sociopolitique de l’Afrique équatoriale française. A cette époque, on assiste, peu à peu, à l’éveil de la conscience critique des peuples colonisés. Les intellectuels noirs commencent à soulever des problématiques d’autodétermination et de dénonciation des exactions de l’administration coloniale. IL y a eu la première guerre mondiale de 1914 à 1918, puis la seconde guerre mondiale, cette guerre planétaire qui éclate en 1939, alors que le petit enfant Noël-Aimé NGWA NGUEMA a 6 ans. La guerre s’achèvera en 1945. Noël-Aimé a 12 ans. Il a certainement été marqué par cet événement et certainement intégré cet adage latin : « Qui vis pacem para bellum », qui se traduit par « Qui veut la paix prépare la guerre ». Choisir de dire la vérité, c’est déclarer la guerre au règne des ténèbres et du mensonge !
• Après une brillante préparation humaine, philosophique, théologique et pastorale, l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA recevra l’ordination sacerdotale en 1964. Or, 1964 est l’année du premier coup d’Etat militaire au Gabon. Le Soleil de l’indépendance de 1960, avec l’accession à la Magistrature suprême de Léon MBA, n’a pas tenu ses promesses. Des voies discordantes se font alors entendre et Jean-Hilaire OBAME s’impose comme son principal opposant. Le jeune Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA et bon nombre de ses compagnons sont proches, par la pensée et les convictions, du leader de l’Union Démocratique et Sociale Gabonaise (UDSG). Hélas, grande sera donc leur déception, lorsque la France interviendra militairement et brutalement pour réhabiliter Léon MBA, en renversant le Président Jean-Hilaire OBAME et son gouvernement provisoire.
• La révolution estudiantine de mai 1968 en France. L’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA est, à ce moment-là, à Strasbourg en France, où il prépare sa thèse de Docteur en Lettres. On peut très aisément imaginer l’influence que ces événements de 1968 en France a eu sur la formation de sa conscience critique des événements sociaux et politique de son temps. Mai 1968 en France, c’est cette révolution qui a éclaté à la Sorbonne, à Paris, avant de s’étendre dans toutes les grandes universités du pays, dont Strasbourg. On assiste à une généralisation de forums de décisions et de propositions politiques. Les manifestants parviennent à paralyser le système économique et administratif. C’est l’un le plus important mouvement social de remise en cause des institutions traditionnelles du XXème siècle. L’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA en fut un témoin vivant.
• 1981, le MORENA (Mouvement de redressement National). Rentré au pays e, 1970, après sa brillante thèse en Lettres. Il se rapproche du MORENA pour dénoncer les situations intolérables et réclamer le multipartisme et plus de liberté. Au cours des événements de la gare routière, il est arrêté en 1981, avec d’autres ténors de l’opposition.  » Le vin est tiré, il faut le boire », dit l’adage. Avec le MORENA, l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA a mis le pied à l’étrier. Il ne reculera plus. Il est, en cela, fidèle à l’évangile :  » Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu » (Lc 9, 62). Il passera 7 ans à la Prison Centrale de Libreville, de 1981 à 1988 !
• La victoire de 1990 : La Conférence Nationale ! On peut affirmer, sans risque de nous tromper, que la souffrance, dans sa chair et dans son cœur, la lutte courageuse, la foi, l’espérance en la libération démocratique de son pays et l’amour de ses compatriotes, ont considérablement contribué à l’avènement de la Conférence Nationale de 1990 ! L’éditorialiste est riche en expérience vécues et son esprit est définitivement forgé et marqué au fer rouge de la révolution de la vérité et de la justice !

II- LE PAYSAGE MEDIATIQUE DU GABON EN 1990
De l’époque colonial à 1990, la liberté d’expression est verrouillée. Aussi bien l’administration coloniale et que les nouvelles autorités du pays, après l’accession du pays à la souveraineté internationale ne supportent pas et n’autorise aucune contradiction, aucune critique. Le contexte est celui du parti unique. Sur le plan de la presse écrite, seul le quotidien L’UNION dit à l’opinion nationale ce qu’il faut dire, comment le dire, ce qu’il faut croire et ce qu’il faut absolument penser, les personnes qu’il faut aimer et applaudir et celles qu’il faut absolument combattre et considérer comme ennemis de la République. Une certaine presse clandestine tentera, de temps à autres, de se manifester, à travers des tracts. Du reste, notre éditorialiste, l’Abbé Noël Aimé NGWA NGUEMA avait été accusé par le Pouvoir d’être l’auteur de l’un de ces tracts !
Puis arrive 1990 ! Le vent du multipartisme entraîne également celui de la liberté d’expression et donc d’une certaine liberté de la presse. Plusieurs titres de presse voient le jour. Mais, il y a une particularité, chaque partie politique a pratiquement sa tribune ou son journal et des journalistes à gage, chargés de faire de la propagande partisane et d’attaquer les adversaires, sans tenir compte de l’éthique et de la déontologie journalistique. La plupart de ces pseudo-journalistes étaient pris sur le tas. Il suffisait d’avoir une belle plume et de militer dans tel ou tel parti politique. D’autres produisaient des articles à la commande de tiers personnalité influentes du landerneau politique national.
III- LA TOUCHE JOURNALISTIQUE DE L’ABBE NOEL-AIME NGWA NGUEMA
Voici l’état de la presse écrite et du journalisme au Gabon, au moment où, en 1992, l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA devient Directeur du Journal MISAMU. A l’origine, Tribune politique et propagandiste du MORENA, à l’ère Noël NGWA, le MISAMU deviendra enfin un vrai journal d’investigations et d’analyses, équilibrés, objectifs et respectueux de l’éthique et de la déontologie journalistique.

A telle enseigne qu’en l’an 2000, le MISAMU reçoit le prix « Presse et démocratie en Afrique » décerné par le quotidien la Tribune de Genève, sous l’égide de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED). Un prix qui récompense un journal francophone « pour son engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, et sa capacité à créer un espace de débats entre gouvernants et société civile, et à lutter contre l’intolérance raciale, tribale et religieuse », je cite l’article de Désiré-Clitandre Dzonteu pour GabonReview : « Noël-Aimé NGWA NGUEMA /25 décembre 1933 – 2 mars 2015 Le condensé d’une vie consacrée à la liberté et à la vérité.
En matière de journalisme, le MISAMU de l’Abbé Noël devient une fierté nationale. Belles lettres, investigations sérieuses, analyses équilibrées, factuelles et documentées. Autant de qualités éditoriales qui ont finalement séduit les autorités , au point d’accepter, à la demande de l’Abbé Noël, d’accorder une aide publique annuelle à la presse. Cette subvention à la presse est toujours d’actualité et fait encore couler beaucoup d’encre et de salive.

POUR CONCLURE
Par voie de presse, l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA a traduit en acte, la foi, l’espérance et la charité qu’il professait sur les autels en tant que Prêtre de Jésus-Christ, Messie libérateur et sauveur du peuple qui marchait dans la longue nuit. En mars 2015, il a été rappelé auprès du Père, le Dieu Libérateur de son peuple Israël. Il n’a peut-être pas eu la grâce du vieillard Syméon qui a vu de ses yeux la libération de son peuple : Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s »en aller en paix selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël (Lc 2, 29-32) , Mais nous ne perdons pas espoir, qu’un jour nouveau se lèvera dans notre pays le Gabon et que du haut du ciel, l’Abbé Noël-Aimé NGWA NGUEMA chantera le Magnificat en union avec Notre Dame du Gabon et tous ses Enfants.
Je vous remercie !

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