
Hérité des lois ferryste de la troisième république en France, le principe de la gratuité scolaire, tout comme celui de l’obligation et de la laïcité, est garanti au Gabon depuis la loi d’organisation générale de l’enseignement 16/66 du 09 août 1966. En effet, l’article 2 de la présente loi énonce que : l’école est gratuite. Ce principe suppose qu’aucun enfant en âge scolaire ne peut être privé d’instruction au motif que ses parents ne disposeraient pas d’un capital économique. Ainsi, l’objectif visé est d’atteindre la scolarisation universelle, c’est-à-dire l’accès de tous les enfants à l’instruction et au droit fondamental qu’est l’éducation. Dans cette perspective, l’Etat a le devoir de lever tous les écueils éventuels pouvant justifier la non-scolarisation des enfants en âge scolaire.
En raison d’une offre scolaire publique encore insuffisante, malgré les efforts consentis, certains établissements partenaires de l’Etat comme les établissements privés confessionnels et privés laïcs reconnus d’utilité publique accompagnent l’Etat dans sa mission régalienne d’instruction et de formation des futurs citoyens. Or, à la rentrée des classes 2024-2025, plusieurs responsables de ces structures de formation ont exigé aux parents d’élèves des frais d’inscription et de scolarité. Cette décision qui a bouleversé les parents, a remis au goût du jour la question de la gratuité scolaire et révélé les signes d’essoufflement du système de financement de l’enseignement en République Gabonaise. Qu’entend-on par gratuité scolaire ? Ce principe n’est-il pas devenu aujourd’hui utopique dans une société traversée par les logiques capitalistes ?
La gratuité scolaire est l’un des principes fondamentaux de l’école publique. En effet, sous le règne de l’Etat-Providence et dans l’optique de répondre aux besoins de la massification scolaire, l’Etat prend en charge toutes les dépenses relatives à l’éducation. Ces dépenses sont les frais d’inscription, les fournitures scolaires, le matériel didactique, la main d’œuvre et tous les coûts de fonctionnement et d’investissement des établissements scolaires. Le principe de gratuité suppose que les familles sont allégées du poids économique de la scolarisation de leurs enfants. Or, comme le soulignait, à juste titre, le président américain Abraham Lincoln : « si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ». Cette référence rappelle les limites du principe de gratuité, de même qu’elle indique que l’éducation n’a pas de prix. Le mythe Ferry se trouve ainsi déboulonné.
De plus en plus, l’école devient une entreprise. Elle est influencée par les logiques capitalistes du profit et de plus-value. Car, l’école apparait comme un business rentable. Les différents services que propose l’école sont désormais payants : des cours de soutien en passant par les activités extra-scolaires et les sorties de classes… En outre, le discours politique sur la gratuité scolaire manque souvent d’effets immédiats et les chefs d’établissement sont confrontés à des problèmes de fonctionnement : la subvention de l’Etat arrivant toujours très en retard, parfois en fin d’année.
Dans ce sens, continuer à véhiculer le discours sur la gratuité scolaire n’est-ce pas faire preuve de démagogie ?
Pr Dany Daniel BEKALE
Sociologue, Maître de Conférences (CAMES) à l’UOB
Membre du MCR et de la Milice de l’Immaculée
Membre de la Commission Archidiocésaine du Synode sur la Synodalité