Transition politique au Gabon : entre consolidation du lien de citoyenneté et atavismes de l’ancien régime

Depuis le 30 août 2023, le Gabon est dirigé par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) dont le Général de brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA a été désigné pour assurer les fonctions de Chef de l’Etat. L’arrivée des militaires au pouvoir a suscité au sein de la population des manifestations de joie et de soulagement. Elle a également nourri des espoirs et des attentes de lendemains meilleurs. En effet, opprimées et maintenues dans la précarité par « l’ancien régime », les populations gabonaises ont salué avec ferveur et reconnaissance ce que « la grande muette » se plait à désigner comme « coup de la liberté ». Au moment de célébrer avec faste (la journée du 30 août a été déclarée chômée et payée sur toute l’étendue du territoire), le premier anniversaire de l’arrivée des militaires au pouvoir, quelques questions méritent d’être posées : quelles sont les réelles priorités du CTRI ? Le CTRI a-t-il vraiment libéré le Gabon ?
La consolidation du lien de citoyenneté : l’arrivée au pouvoir du CTRI est marquée par le retour affirmé aux valeurs patriotiques. En effet, les premières mesures du Général Président ont été de réintroduire dans les administrations publiques et les établissements scolaires les rituels républicains du lever et du baisser du drapeau national. Ainsi, tous les lundis matins les agents publics, les élèves et étudiants sont invités à honorer l’emblème national par l’exécution du chant patriotique national : la Concorde. L’après-midi de la journée du vendredi est consacré à la descente des couleurs.
La consolidation du lien de citoyenneté passe également par la volonté manifeste de restaurer la dignité des Gabonais à travers les nombreuses initiatives prises aux plans social et économique. On peut citer entre autres : le retour de la bourse scolaire dans l’enseignement secondaire, l’ouverture des concours d’accès à la fonction publique, l’octroi de milliers de postes budgétaires, le rachat de la société pétrolière Assala Energie, le paiement des pensions retraites, la mise à disposition des parcelles viabilisées, la construction et la réhabilitation des voiries urbaines et périurbaines… Toutes ces réalisations sont de nature à raffermir le sentiment d’appartenance à une nation qui prend soin du bien-être de ses citoyens. Tout en saluant les efforts consentis par le CTRI et le gouvernement de la Transition, l’analyse serait incomplète et déformée si elle n’alerte pas sur la résurgence de quelques atavismes de l’ancien régime.
Les atavismes de l’ancien régime : les génotypes de l’ancien régime sont particulièrement visibles à travers la dernière tournée républicaine du Président de la Transition. En effet, la rencontre du Général Président avec les populations dont l’étape ultime fut celle de la province de l’Estuaire a été marquée par la donation de 7 milliards de francs CFA à chaque province pour la réalisation de projets de développement. Cette politique du don ravive le souvenir des campagnes électorales précédentes qui avaient fait de la distribution d’argent, de gadgets et de kits alimentaires, la principale arme de séduction du régime déchu. Quand on sait qu’en anthropologie, le don implique le contre don, on peut s’interroger légitimement sur la contrepartie recherchée à travers cette initiative.
De plus, le CTRI ambitionne de restaurer les Institutions. Or, à l’épreuve des faits, il apparaît que l’exécution des budgets annuels reste encore problématique dans les administrations publiques. Les dysfonctionnements de la SEEG continuent de causer du tort aux populations. La pénurie et le coût des produits de première nécessité fragilisent toujours le pouvoir d’achat des Gabonais, etc. Autant de maux qui tendent à entraver le « coup de la liberté » et qui devraient susciter un traitement diligent de la part des autorités de la Transition sur lesquelles les populations gabonaises placent beaucoup d’espoir. Parions que la deuxième année de Transition qui s’ouvre soit le symbole de la construction d’une société plus juste et plus solidaire, résolument tournée vers la recherche du Bien commun.
Pr Dany Daniel BEKALE
Sociologue, Maître de Conférences (CAMES) à l’UOB
Membre du MCR et de la Milice de l’Immaculée
Membre de la Commission Archidiocésaine du Synode sur la Synodalité

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